Comment obtenir la ponte des papillons de jour des pays tempérés ?
Nos papillons de jour indigènes sont un peu délaissés au profit des papillons de nuit car ils passent pour être plus difficiles à élever. C’est loin d’être le cas et avec très peu de matériel il est facile d’obtenir beaucoup d’œufs.Quand on capture une femelle dans la nature elle est pratiquement toujours fécondée, ce qui permet de démarrer de suite un élevage sans avoir à se soucier de l’accouplement.

Il faut placer le pot au soleil car les pontes sont nettement stimulées, mais attention il faut moduler en fonction de la région et se méfier, des heures trop chaudes et du soleil trop vif. Il faut rester conscient que le papillon ne peut pas fuir pour se protéger. En
La plupart des papillons des pays tempérés peuvent pondre dans un petit volume. Une technique simple et efficace est celle du pot recouvert de tulle. Il faut un pot d’environ 25 cm de diamètre (ou plus) dans lequel on plante 3 arceaux de façon à déterminer un volume suffisant pour que les papillons évoluent facilement. On coiffe l’ensemble d’une tulle cousue pour déterminer un cylindre (manchon) qu’on maintient fixée contre le pot au moyen d’un élastique. Il est important que la tulle soit bien tendue et surtout qu’il y ait le minimum de plis dans lesquels
les papillons risquent de se coincer.
Sur le sommet de la tulle on pose un bon morceau de coton imbibé d’eau sucrée destiné à nourrir et hydrater les papillons. On peut également mettre des fruits pourris pour les espèces qui les apprécient.
plein été, quand la température ambiante est chaude, les pots seront placés à mi-ombre.
Il est important de ne pas mettre trop de femelles ensemble car elles se gênent pour pondre et en définitive elles meurent plus vite avant d’avoir tout pondu. 2/3 femelles pour la plupart des espèces est bien suffisant. Pour les espèces grosses ou qui pondent peu ou qui ont un comportement trop vif, une seule par manchon.
Dans ces pots seront cultivées les plantes-hôtes correspondant à chaque espèce que l’on voudra élever. Certaines espèces pondent directement sur le tulle sans qu’il y ait besoin de mettre leur plante-hôte, d’autres enfin laissent tomber leurs œufs par terre ; dans ce cas, il faut prévoir un tissu recouvrant le sol du pot et sur lequel on récoltera les œufs

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Les Papilionidae
Papilio machaon et espèces voisines.
Le manchon doit être assez haut car ces espèces ont besoin d’un peu plus de volume. De plus il est souhaitable, pour prolonger leur vie au maximum, de mettre dans le pot quelques fleurs à butiner en plus de la plante-hôte et du morceau de coton. La plante-hôte est obligatoire, et pas plus de une à deux femelles par manchon.
Iphiclides.
Ne sont pas élevables avec cette technique, même si on arrive parfois à obtenir accidentellement un œuf !
Papilio autres (glaucus, bianor, etc.)
Ils sont moins faciles généralement que ceux du groupe machaon. Pour eux, le manchon n’est pas l’idéal et le mieux est d’avoir une cage d’au moins 50x50x50 cm dans laquelle seront placés des rameaux ou pots de la plante-hôte, sur le côté sud, proche du sommet, là où les femelles se tiennent le plus souvent. Il faut laisser assez d’espace (environ 10 cm suffisent) entre la plante et le sommet de la cage de façon que le papillon ne se casse pas les ailes. Il faut aussi prévoir des fleurs à butiner placées à des hauteurs variables pour augmenter les chances de rencontre. Ces conseils sont à adapter en fonction du comportement de la femelle. L’important est qu’elle rentre souvent en contact avec sa plante et les fleurs.
Zerynthia, Archon, Allancastria, Luehdorfia, Sericinus.
Les pontes s’obtiennent facilement en manchon. La plante-hôte est obligatoire puisque les œufs sont pondus directement dessus, éventuellement en petit groupes. Les Luehdorfia sont à placer plus à l’ombre que les Zerynthia qui supportent mieux le soleil. Les femelles se nourrissent très bien sur le coton d’eau sucrée.
Parnassius
Toutes les espèces testées pondent facilement en l’absence de plante-hôte et les femelles pompent volontiers le liquide sucré du coton. Les œufs hivernent et n’éclosent normalement qu’au printemps.
Pour P. apollo, la durée de vie est longue, un mois s’il est correctement nourri et la ponte peut dépasser 300 œufs (mon record : 384 œufs).
Beaucoup de Parnassius sont protégés dont toutes les espèces françaises. Ils ne peuvent donc pas être élevés sauf dérogation spéciale. Il en est de même pour les espèces françaises du genre Zerynthia ainsi que Papilio hospiton (Corse) et P. alexanor. Iphiclides podalirius est quant à lui protégé en Île-de-France.
2. Les Pieridae
Les œufs des piérides sont fragiles et ne peuvent pas être séparés de leur support. Si on doit les déplacer, il faut couper la feuille sur laquelle ils ont été pondus et la fixer sur une plante fraîche.
Toutes les espèces ont besoin de leur plante-hôte pour y déposer leurs œufs.
Leptidea.
Ces papillons dont le corps est minuscule se déshydratent facilement. Une mi-ombre leur convient mieux. Les œufs sont gros proportionnellement à la taille de la femelle ; les pontes ne sont donc pas très abondantes.
Aporia.
Comme les femelles pondent leurs œufs en petits tas, il vaut mieux ne mettre qu’une seule par manchon. Comme les plantes nourricières sont des ligneux (Rosaceae), le plus simple est de couper des rameaux que l’on met à tremper dans une petite bouteille d’eau. Les œufs n’éclosent pas avant 2/3 semaines, et en général les feuilles tombent avant. Il faudra récupérer celles qui ont des œufs et les fixer sur les feuilles d’un nouveau rameau.
Pieris, Pontia et Colias.
Ponte facile. Les œufs sont pondus 1 par 1, sauf pour Pieris brassicae qui pond en gros paquet (100 et plus pour une première ponte), ce qui impose de la mettre seule dans le manchon pour un bon résultat. Ces espèces ont plusieurs générations par an, sauf celles vivant en altitude (ex : Pontia callidice, colias phicomone).
Anthocharis, Euchloe.
Ils pondent facilement aussi mais pas plus de 2 femelles par pot. Il faut savoir que les chenilles sont cannibales, les grosses mangeant les plus petites. La ponte s’effectue sur les boutons floraux pour Anthocharis. Il faut donc changer la plante de ponte très régulièrement pour éviter la surpopulation de chenilles.
Gonepteryx.
Ils pondent uniquement sur les jeunes feuilles ou sur les bourgeons en train de s’ouvrir en fonction de l’avancement de la plante. Une seule génération par an. Les adultes hivernent sous les feuilles des arbres persistants et s’accouplent et pondent au début du printemps.
Pieris ergane et Colias palaeno sont inscrits sur la liste des espèces protégées sur tout le territoire national. Aporia crataegi et Pieris mannii ne sont protégés qu'en Île-de-France.
3. Les Nymphalidae (sens réduit)
Je conserve l’ancienne classification pour d’évidente raisons de clarté. Sinon il m’aurait fallu y inclure les Satyridae qui forment un groupe tellement différent que je préfère les traiter à part en conservant l’ancienne classification.
Apatura, Limenitis, Charaxes.
Ce ne sont pas les plus faciles, mais dans un grand manchon, avec suffisamment de volume libre autour des branches de la plante hôte, on y arrive. Une seule femelle par pot à mi-ombre, sauf pour les Charaxes qui ont besoin de beaucoup plus de chaleur (mais attention tout de même à la surchauffe possible !). Il faut mettre des fruits pourris au sol et sur le dessus du manchon.
Melitaea, Euphydryas.
Ponte facile sous les feuilles de la plante. Comme les œufs sont pondus en groupe pour la majorité des espèces, les femelles ne doivent pas être trop souvent dérangées donc pas plus de 2/3 femelles par pot.
Les Nacrés : Speyeria, Mesoacidalia, Pandoriana, Fabriciana, Issoria, Clossiana, Boloria.
Suivant les espèces, les œufs et/ou larves sont diapausants, donc les chenilles ne commencent à manger qu’au printemps. Une grande partie des œufs sont pondus sur le fil de fer et comme ils sont très fragiles, on ne peut pas les détacher. Si l’on veut récupérer les œufs, il suffit d’enrouler un ruban de tulle autour du fil de fer sur lequel les œufs resteront collés (voir la photo ci-dessus du pot avec manchon).
La plupart de ces espèces pondent directement sur le tulle ou divers supports (en particulier des brindilles qu’il est bon de placer dans le pot), sans qu’il soit nécessaire de mettre la plante-hôte (pensée, violette). Suivant les espèces, les œufs hivernent ou n’éclosent qu’au printemps, ce qui est le plus facile à gérer. Fabriciana adippe par exemple est dans ce cas et les chenilles ne sortent de l’œuf qu’au printemps et s’alimentent de suite.
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Mesoacidalia, Argynnis
Pour ces 2 genres, les chenilles éclosent environ 1 mois après la ponte, ne se nourrissent pas et entrent en diapause. Celle-ci ne sera rompue que par le froid et donc les chenilles ne commenceront à s’alimenter qu’au printemps. C’est donc une période très critique pour ces larves minuscules et qui va s’étaler sur plusieurs mois pendant lesquels il peut y avoir des pertes énormes par déshydratation sans parler de la prédation ou les accidents divers. Les meilleurs résultats sont obtenus en laissant les chenilles éclore dans le pot où elles se fixent sur un support (tulle, brindille, feuilles mortes…)
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Speyeria
Je manque cruellement d’informations concernant l’élevage des Speyeria dont je n’ai pu élever qu’une espèce (Speyeria diana), il y longtemps. Il est possible que les espèces de ce genre nord-américain puissent participer des 2 cas précédents avec notamment des larves diapausantes comme en Europe celles de Mesoacidalia aglaja qui diffère nettement des autres nacrés européens, et que pour ma part je considère comme proche des Speyeria.
J’attends donc que nos amis Québécois et plus généralement nord-américains nous apportent plus de précision sur la biologie des Speyeria.
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Pandoriana
Contrairement à son proche parent Argynnis paphia, les larves de Pandoriana pandora éclosent à l’automne et mangent tout l’hiver de sorte que le papillon éclos au printemps mais estive environ un mois après quoi ils s’accouplent.
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Boloria
Je continue à séparer les Boloria des Clossiana car les premières vivent en altitude et n’ont qu’une seule génération par an au contraire des Clossiana de basse altitude et des latitudes basses qui en ont au moins 2, parfois partielles comme C.euphrosyne. Les Boloria hivernent à l’état de jeunes chenilles.
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Clossiana, Issoria
Les espèces de ces 2 genres ont donc plus d’une génération par an (sauf Clossiana titania, une seule), et les éclosions des œufs sont plus rapides, aussi vaut-il mieux prévoir un pot avec la plante nourricière afin que les chenilles nouvellement nées trouvent directement leur nourriture. À noter que Les petits nacrés (genre Issoria) ne diapausent pas et se reproduisent en permanence, reste probable de leur origine des montagnes d’Afrique de l’est. A noter également que Issoria lathonia ne consomme que des pensées et pas de violettes.
Les Vanesses : Vanessa, Nymphalis, Aglais, Arashnia.
Il faut obligatoirement la plante nourricière pour la ponte. La plupart des vanesses hivernent à l’état adulte. Arashnia sous forme de chrysalides.
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Nymphalis
Une seule génération par an. Les œufs sont pondus en manchon autour des branches. Les femelles doivent être impérativement une seule par manchon car elles ont besoin de ne pas être interrompu pendant la ponte.
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Aglais, Arashnia
Il y a au moins 2 générations par an et les pontes sont groupées, mais comme ce sont des papillons moins sauvages que les Nymphalis on peut mettre 2 femelles ensembles.
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Vanessa, Polygonia
Les œufs sont pondus un par un , mais il faut veiller à changer la plante régulièrement car on est vite débordé par le nombre d’œufs, surtout avec les Vanessa dont les larves n’aiment pas être dérangées car elles s’isolent dans des replis de feuilles qu’elles fixent avec de la soie.
4. Les Satyridae (sens réduit)
Les Satyridae ne sont pas les champions de la vitesse de développement. Beaucoup n’ont qu’une génération par an avec hibernation au stade chenille ce qui ne simplifie pas les problèmes. Le mieux de loin est de laisser les pots avec les chenilles en conditions naturelles, en évitant toutefois les très fortes gelées et les excès de pluie qui engendrent trop d’humidité dans les pots.
Tous sans exception consomment des graminées, mais attention une graminée n’est pas égale à une autre ! il y a des préférences. Les genres passe-partout qui permettent d’élever sont les Poa et Festuca. Le Poa annua, mauvaise herbe annuelle de la plupart des potagers convient bien mais elle est petite et évolue rapidement en graines. Les Festuca que l’on a dans les mélanges de gazon « spécial ombre » conviennent bien également et sont très durables.
Comme les graminées poussent plus vite qu’elles ne sont consommées par les chenilles (c’est bien le seul cas en élevage !) il faut donc périodiquement couper les herbes de façon à donner un peu d’aération pour les chenilles. C’est absolument obligatoire pour les espèces de biotopes secs qui meurent vite par excès d’humidité.
Particularités d’élevage.
On distingue les espèces qui ont une seule génération par an (univoltines) de celles qui en ont plusieurs (polyvoltines). Les premières pondent sur le tulle avec ou sans plante, hivernent à l’état de chenilles et mangent toute la mauvaise saison dès que la température le permet. C'est donc le stade chenille qui est le plus long. Les polyvoltines pondent principalement sur les feuilles des graminées.
Dans les 2 cas il vaut mieux prévoir un pot avec plante ce qui évite de déplacer les jeunes chenilles car elles sont très indolentes et molles.
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Les espèces polyvoltines
Il y en a peu. Ce sont les Parage aegeria, Lasiommata megera et Lasiommata maera, Coenonympha pamphilus et Coenonympha corinna de Corse (que je n’ai pas élevé mais qui est connu pour ce fait).
Le stade hivernant est la larve et même l’imago pour Lasiommata megera qui est actif en permanence dès que le temps le permet.
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Les espèces univoltines
Ce sont toutes les autres espèces : tous les Melanargia, les Satyrus au sens le plus large, les Maniola, Hyponephele, Pyronia, Coenonympha en partie, Aphantopus, Lopinga, Oeneis et tous les Erebia.
Une mention particulière pour certaines espèces qui ont la curieuse habitude de laisser tomber les œufs au sol sans les fixer sur un support. Pour la France, ce sont Melanargia galathea et lachesis, Brintesia circe, Aphantopus hyperanthus, Pyronia cecilia et Pyronia bathseba, Lopinga achine. Toutes ces espèces n’ont qu’une génération par an et pondent sans qu’il soit obligé de leur mettre une plante. Si l’on veut récolter les œufs il faut placer une toile (pas de plastique qui risque de retenir l’eau en cas de pluie) en surface du pot en ménageant au centre une légère déclivité (au moyen d’un petit caillou par exemple) afin que les œufs en tombant se rassemblent au centre
11 espèces de Nymphalidae (sens large) sont protégées sur le plan national et 12 sur le plan régional (Île-de-France). Vous pouvez consulter cette liste.
Texte et photo :
Jean-Pierre Vesco